THE PLACE BEYOND THE PINES

Le cinéma américain ne se résume pas à des grosses productions pour faire vendre les seaux de popcorn qui donnent envie de cogner sur les voisins, heureusement. Roland Emmerich, celui de 2012 ou du prochain White House Down, en est le chantre parfait, tout doit disparaître, y compris la terre. Ce qu'on appelle le cinéma d'auteur s'affranchit des artifices et des effets spéciaux qui constituent la matière première des blockbusters du précédent. Le budget est à l'avenant et les mauvaises langues persiflent que ceux qui font ce cinéma là sont fauchés. Faux.

Derek Cianfrance, est donc l'auteur de The Place Beyond the Pines, dirigeant pour la deuxième fois Ryan Gosling, dans une Amérique des laissés pour compte. Son passé de documentariste confère aux images une dimension naturaliste avec ses impuretés que les cinéastes gomment d'habitude. Tourné en milieu naturel, dans une ville aux environs de New York, Shenectady, Cianfrance transforme cette fois l'essai, là où il s'était un peu égaré avec Blue Valentine. En effet les deux films, à peine séparés de 3 ans, naviguent dans les mêmes eaux de la filiation. La paternité que Luke découvre par hasard, de retour à Shenectady, rappelle celle que Dean accepte d'endosser par amour, dans Blue Valentine. Dans les deux films l'échec est au bout du chemin chaotique du héros marginal. Ryan Gosling incarne un jeune homme dont le parcours atypique, en dehors des clous, délinquant, le met au ban de la société. Il est ce sans domicile fixe, au charme fou et à la tendresse contenue, qui va enfin exister en devenant père.

Luke est motard, de fêtes foraines. De ceux qui tournent comme des écureuils dans un boule d'acier, héros d'un jour pour les enfants fascinés. De passage à Shenectady, il apprend qu'une ancienne petite amie a mis au monde un enfant de lui. Qu'elle a refait sa vie avec un autre homme. La mère c'est Eva Mendès, à contre-emploi. Et c'est le déclic pour Luke/ Ryan Gosling. Son vide existentiel se trouve comblé par ce bébé providentiel. Etre père coûte que coûte. Et le prix à payer se révèle exorbitant dans un monde où la concurrence est rude. Des hold-up simples comme bonjour, la fuite en moto comme à l'exercice, le filon pourrait être exploité indéfiniment. Le grain de sable c'est toujours le policier dans un polar. Parce qu'il s'agit bien d'un polar (un thriller si vous voulez) où les enfants sont l'enjeu du choix des adultes. Le flic, c'est Bradley Cooper, le beau mec de l'Agence Tous Risques et de Happiness therapy, rongé par l'ambition et qui à l'instar de Luke, se saisit des occasions, pour finir procureur.

Le choc de la rencontre des deux pères et les suites désastreuses ( je ne vous en dirai pas plus) va répercuter son écho une génération plus tard. Le drame va se jouer entre les fils, shakespearien, convoquant le nom du père, loin du règlements de compte façon western, mais sous l'emprise du destin. Destin déjà à l'oeuvre dans Blue Valentine, un peu maladroitement souligné par les (trop) nombreux flash-back, une puissance obscure et plutôt destructrice qui grippe franchement les ambitions humaines. L'amour comme seule arme, dans Blue Valentine, que le temps émousse, rendant plus amer l'échec annoncé. Luke le motard, prêt à tout et n'importe quoi pour mériter sa paternité, trouvera une reconnaissance tardive et libératrice dans le coeur de son fils.

Alors ? The Place Beyond The Pines ? Un titre signifiant, forcément. Les choses cachées derrière les choses ? Dans l'ombre... Et bien non, c'est pas aujourd'hui qu'on va gloser sur les symboles . Shenectady , le bled du film, en Iroquois, ça veut dire le titre du film, le bled derrière les pins. Et c'est à voir absolument. Pas le bled, le film.

C'est où Shenectady ? C'est là.

THE PLACE BEYOND THE PINES
Bradley Cooper

Bradley Cooper

Tels Fils

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Mon père ce héros

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