Y aurait-il quelque chose de pourri au royaume du Danemark ? Ni Hamlet ni les scénaristes de la télé danoise ne font ce qu'il faut pour nous convaincre du contraire. Souvenez-vous de la série Borgen et de son panier de crabes politique. C'est Arte qui enfonce le clou en ressortant The Killing pendant que votre cerveau joue les mollusques au bord d'une plage de rêve.

Oreiller.

Une jeune femme de 20 ans est retrouvée dans le coffre d'une voiture au fond d'un étang, dans les environ de Copenhague. Point de départ d'une enquête flippante menée par la commissaire Sarah Lund. Sous les traits de Sofie Grabol. Ne trouvant pas les touches pour le suédois  danois, j'ajoute qu'il y a un point sur le A et un O rayé. Oreiller que vous risquez de malmener dès la vision des premiers épisodes. Il y en a 20, façon Jack Bauer, les heures étant ici des jours. Souvent des nuits en fait car les flics danois sont du genre insomniaques, ce qui fait un point commun avec le spectateur. 

             sarah lund 2

Tous pourris ?

Toute la force de ce polar vénéneux réside dans un constant va et vient entre trois mondes distincts qui finissent par entrer en collision au coeur de cette enquête menée de façon obsessionnelle par la tenace Sarah Lund. Au point de s'oublier, de sacrifier sa vie, son fils, et ce fiancé qu'elle doit rejoindre en Suède. Un entêtement guidé par sa seule intuition, conduisant à des erreurs, parfois dramatiques, entrainant derrière elle son coéquipier, contre vents et marées. Le commissaire Jan Meyer n'est pas franchement enthousiaste des méthodes de sa collègue, en charge de l'enquête, et ce couple atypique qui ne fonctionne pas, progresse malgré tout.

             Sarah Lund et Jan Meyer 

L'acteur Soren Malling était le rédacteur en chef de la chaine de télé dans Borgen, l'autre série danoise. L'autre point commun c'est la vision du monde politique - ici une campagne pour l'élection du nouveau maire de Copenhague - confrontée à la vie privée des protagonistes.

Une famille touchée par la disparition de leur fille, un homme politique intègre et des flics monomaniaques. Un schéma classique pour un polar qui ne l'est pas. Comment les Danois parviennent-ils à faire la différence ? Pourquoi les Américains en font un remake qui va aussi connaître le succès. Car la télé danoise en est déjà à la deuxième saison. Celle dont je vous parle datant de 2007.

La chaine cablée AMC, dont on savoure la série Mad Men, s'est engagée dans un remake fidèle de The Killing, tourné à Seattle. Deux saisons qui ne seront pas reconduites. Bon nombre de spectateurs ont découvert cette version avant de voir (ou pas) l'original. Le scénario va comme un gant à son décor d'origine. Copenhague

La victime s'appelle Rosie Larsen à Seattle, Nana Birk larssen à Copenhague. Trés fort ces Américains. Ils doivent attendre la suite danoise pour relancer leur histoire. 

Pull

L'héroïne de l'original est une femme sans fard, dont les sentiments et les émotions sont pour le moins opaques. Une ténacité qui confine à l'abnégation. On lui sait une liaison avec ce Suédois qu'elle doit rejoindre au début de l'enquète, et un fils de 12 ans laissé à lui-même. Une audace qui frise l'inconscience et une étonnante capacité à convaincre les plus sceptiques. Sofie Grabol, dont la carrière est strictement scandinave, doit changer de tenue environ trois fois au cours des 20 épisodes, un jean et deux pulls à carreaux.

                                   Sofie Grabol 2

Aucun détail en rapport avec une possible sexualité, pas d'arme, et la recherche quasi obsessionnelle des informations ne s'embarrasse pas d'une quelconque empathie avec les éventuels suspects. Et ils sont nombreux. La mise en scène est à ce point habile qu'elle nous embarque sur des fausses pistes, souvent des réactions primaires, viscérales, même si le spectateur a quelques longueurs d'avance sur les personnages. Les immigrés n'ont pas forcément le beau rôle, et c'est l'occasion de démonter l'alibi de l'intégration qui n'est pas forcément là où on le voudrait, comme ces hommes politiques pour qui c'est un sujet de discorde et un terrain glissant où tout est permis. La famille et ses secrets, l'idéalisation de l'enfant, ce petit être qui ne voit rien et n'entend rien, les rancoeurs et les non-dits du couple que la perte d'une fille va faire vaciller.

La série américaine est à des kilomètres de la subtile noirceur que distille cette plongée profonde dans le Copenhague d'aujourd'hui. Borgen nous immergeait dans les arcanes de la politique, et la fiction disparaissait derrière la vie quotidienne des protagonistes, particulièrement crédible.

                                the killing us

Les auteurs scandinaves sont devenus depuis une décennie au moins les maîtres du polar. 

L'arbre qui cache la forêt c'est Millenium. Mais l'auteur le plus prolixe est sans aucun doute Hennig Mankell et son commissaire Wallander. Force est de constater que les Américains ont adapté le premier, et l'anglais Kenneth Brannagh le second.

L'outsider qui casse la baraque : Jo Nesbo et son flic Harry Hole. Qui renvoie Harlan Coben au placard.

Vous avez dit antiaméricanisme primaire ? 

J'assume.

Retour à l'accueil