LA LIMOUSINE D'OSCAR
Leos Carax et Denis Lavant sont de retour. Holy Motors est donc un évènement. Des fous de cinéma que le Festival de Cannes n'a pas encensé comme il le devait. Un film sur le cinéma. Le cinéma c'est la vie ou la vie c'est du cinéma ?
La limousine de ces messieurs est avancée.
Cohérence.
Depuis qu'il fait des films, Léos Carax propose en général des énigmes au public. Passant pour un cinéaste torturé, il ne saurait intérêsser que les intellos ou les lecteurs de Telerama. Des Amants du Pont-Neuf à Pola X ( C'est bien le chiffre 10, pas un film de cul), la controverse fait rage. En fait, la réponse est donnée dans le film. A la question de Michel Piccoli, il répond(Oscar) qu'il fait ça pour la beauté du geste. Circulez donc si vous voulez, il y a quelque chose à voir. La cohérence est le dernier refuge de ceux qui n'ont pas d'imagination, serait une maxime de Carax si elle n'était pas d'Oscar Wilde...
Idées vagues
Il faut confronter des idées vagues avec des images claires. Godard. Jean-Luc. Encore un intello du cinéma, roi de la citation, de l'aphorisme en fait, mais qui tombe à pic en l'occurence. Pour faire un article intelligent, penser à glisser des citations par ci par là, même si ça n'a rien à voir. En revanche, là, ça nous ramène à Leos Carax.
Une dizaine de personnages, tous joués par Denis Lavant, dont on ignore le commanditaire, le producteur en somme. Des idées vagues, une déambulation nocturne qui commence dans une salle de cinéma, et une balade en limousine, véritable roulotte du saltimbanque. Devant son miroir, Denis Lavant/Oscar, opère des transformations sidérantes. Edith Scob, Céline son chauffeur, lui tient la portière pour l'entrée en scène du prochain rôle. Monsieur Oscar et ses métamorphoses.
Monsieur Merde.
L'étrange gnome vert, aux ongles crochus, pieds nus, revient de loin. Du tréfond de chacun de nous. Déjà vu dans un court intitulé Tokyo, où il bouzillait et mangeait tout sur son passage dans les rues de Tokyo, il pulvérise cette fois une séance de photographies de mode, dans le cimetière du Père Lachaise. Monsieur Merde franchit les pierres tombales dont les inscriptions pourraient vous faire croire que je vous écris de l'au-delà. Sur chaque stèle figure le site web du défunt... La top model qu'il enlève pour la mener dans les profondeurs humides de la capitale, c'est Eva Mendès. Le faune en érection nous offre une dernière image biblique façon Pietà qui va scotcher les fan de la belle Eva pour un moment.
Une limousine entre deux mondes. Elégante, moderne, glissant dans les rues de la ville, elle renferme un bric à brac de vieilleries et d'accessoires, objets nécéssaires à la mise en scène. Le cinéma d'avant, nostalgie des décors artisanaux, loin des effets spéciaux qui donnent lieu à une séquence originale: Un des rendez-vous d'Oscar dans un studio de motion capture, où l'on ne verra que la performance physique d'un homme et d'une femme bardés de capteurs. Un scène d'amourt très sensuelle.
Samaritaine
Parmi les missions impossibles de Monsieur Oscar, dans le vaste champ des références cinéphiliques, celle qui se joue à la Samaritaine, est dans le peloton de tête. Séquence musicale parfaitement mise en place. Kylie Minogue se revelle une actrice bouleversante. La chanteuse se pointe au moment où on a envie qu'elle le fasse. Et le décor qu'offre ce magasin mythique sonne comme un hommage au passé.
Et puis il y a Edith Scob. Chauffeur de la limo. Mais aussi protectrice de Monsieur Oscar. C'est elle qui le conduit aux rendez-vous. Qui le récupère parfois.
Quand elle finit son travail, après avoir garé sa limousine dans le vaste parking parmi les autres limousines, elle fixe un masque sur son visage et s'éloigne dans la nuit.
Eddith Scob était la jeune héroïne du film de Georges Franju, Les yeux sans visage, en 1960, il y a 52 ans.
Cependant, ces références ne sont pas le moteur du film. Et l'auteur n'aimerait pas ce dépeçage critique auquel je m'adonne en ce moment.
Tout art est à la fois surface et symbole. Ceux qui vont voir sous la surface le font à leurs risques et perils. De même que ceux qui cherchent à déchiffrer le symbole. Encore une citation ! Une de trop, vous avez raison. Mais de qui ??