Moi, un robot ?

La progression exponentielle de l'informatique et des moyens de communication va de pair avec celle de l'exploration du cerveau humain. Le fantasme qui en résulte depuis quelques décennies est donc de les superposer. Les neurones ne seraient que la copie conforme des circuits de la machine. Cet ordinateur qu'utilisent les neuroscientifiques pour "reconstituer " grâce à de jolies couleurs, les faisceaux qu'emprunte l'influx nerveux à l'origine de tous nos comportements. Les images obtenues sont bluffantes. Et la fascination qu'elles provoquent est en elle-même une réponse. Déjà une preuve. Qu'on peut exhiber dans les médias, à la télé, ou dans les revues de "vulgarisation" scientifiques. facile à lire, belle à voir, et sur un support qui a le vent en poupe, et qui ainsi s'autojustifie. Les images parlent d'elles-même, peu importe le résultat (petit) obtenu, et le travail de recherche(énorme) en amont. La fascination opère pour tous. A la manière de l'infographiste qui reconstitue les décors d'une ville disparue (le docu d'Arte en latin, si si, sur Rome et l'après-Cesar, Brutus toi aussi mon fils.. est à ce titre une réussite), les psychiatres (?) tentent de faire le chemin inverse, démonter le cerveau pièce par pièce. Associer un comportement à des circuits. Un rêve qui pourtant a déjà montré ses limites. Mais on remet le couvert, cette fois c'est la bonne.


 extrait de Planète interdite
Dans cette série B des années 50, il est question(un peu quand même) de comportement, de sa maîtrise et de ses dérapages. Enfin peut-être pas, mais c'est kitsch en diable.
C'est notre comportement qui est la base de ces études coûteuses. Les troubles psychiatriques et les maladies neurologiques pourraient en bénéficier parfois. Les tentatives (réussies) font la une des JT, de la chirurgie stéreotaxique  (voir Dr House et les patients opérés assis, la tête dans un carcan, l'oeil de l'opérateur rivé sur l'IRM ) à l'implantation de puces intracérébrales envoyant des stimuli pour faire cesser le tremblement chez les parkinsonniens, ou à modulateur variable jouant sur l'humeur d'un dépressif. Les progrès de la médecine. Enfin au cinéma et à la télé surtout. 

Les boyaux de la tête.

Les boyaux de la tête sont donc photogéniques. Obtenir la "belle image" est une priorité. Mais pas seulement. 
Car notre comportement ne donne pas lieu qu'à des illustrations. Les premières découvertes ne datent pas d'hier. Un trouble constaté chez un  patient trouvait son explication après sa mort lors de son autopsie. C'est ainsi que fut localisé le centre du langage. à la fin du 19è siécle, par un certain Broca.
On ne tarda pas à cartographier le cerveau en "centres", ou en aires. 
Une modélisation qui n'en finit pas.
Les recherches actuelles tentent de découvrir les voies et les interconnexions, notre comportement n'étant pas qu'une suite de réflexes, mais plutôt un gigantesque foutoir, sous l'emprise de facteurs multiples, chimiques certes, électriques aussi, et bien sûr environnementaux.
Le fameux inconscient de Freud est rayé de la carte, en revanche les neurochercheurs, après un détour expérimental rigoureux, finissent par découvrir des mécanismes dont les ressorts ont pas mal de choses à voir avec ce que disait Sigmund. Bref, la bataille qui en découle, est de bonne guerre, plutôt stimulante au fond, si certaines dérives n'étaient pas apparues.
En effet, un tel investissement dans les sciences cognitives, ça cache forcément quelque chose.
Si on connaît les rouages d'un comportement, on doit pouvoir l'améliorer, non ?

C'est la tête docteur ?

Brain Vis1 56
Une belle image donc, reconstituée par ordinateur, ça donne à peu près ça. Un cerveau coupé en deux.
Les aires sont en couleur, pour bien les distinguer. Soyez tranquille, je ne vais pas vous faire subir une leçon d'anatomie, ça n'est pas le lieu, il y a Wikipedia pour les nuls. 
Il faut pourtant admettre que ces structures sont le centre du débat, et de la recherche acharnée que mènent les neuroscientifiques. Les résultats que fournit le CEA (Saclay) grâce à l'IRM concernent la schizophrénie, l'autisme et les capacités de calcul du nourrisson, vous pouvez vérifier. On y parle de preuve. Les preuves qu'on est dans la bonne direction. Vu ce que ça coûte, on ne peut pas se permettre d'annoncer des échecs. Que l'usine à gaz mise en place en valait la peine. Exit la parole et l'écoute. On s'attaque aux couches de la substance grise. Les neurones ont intérêt à se mettre à table.
                                   vesale 12 
Et à propos de table, ça finit toujours par des régimes.

Les plus en vogues sont les régimes anti-cancer. Vous voyez de qui je veux parler.
David Servan-Schreiber, neuropsychiatre formé au Canada et aux USA, s'est très vite orienté vers la neurobiologie du comportement. Dans les années 90, il découvre qu'il est atteint d'un cancer du cerveau. Chimiothérapie, radiotherapie, chirurgie, les armes classiques pour cette affection en viennent à bout. 
A son retour en France dans les années 2000, il introduira la technique de l'EMDR ( ce qui n'a rien à voir avec le mdr du SMS, variante du LOL!), basé sur les mouvements rapides des yeux qu'on utilise comme appoint dans le traitement du stress post- traumatique (essentiellement une pathologie ramenée de la guerre ou bien du viol, autre arme de guerre...). La théorie explicative est la correspondance avec la période du sommeil paradoxal où les yeux du dormeur s'agitent dans tous les sens (appelé REM, pour rapid eye movement). Les mouvements rapides des yeux permettraient de déplacer la violence du traumatisme évoqué au cours de la séance.
C'est ce qu'on peut appeler une thérapie comportementale. apprivoiser l'angoisse par des moyens physiques sans en percer les causes profondes. 
Et puis surtout, il va se faire connaître pour ses régimes anticancer, basés sur les fameux oméga 3.
Gros succès, auteur d'articles dans la revue Psychologie, il est la preuve vivante que tout ça n'est qu'une histoire de bouffe, de médecine douce, et d'un esprit combatif.
Sa rechute récente est bien sûr un drame.
La preuve vivante est devenue lettre morte. 
                                       P1010461
Notre cerveau ne serait-il donc qu'un assemblage de fonctions binaires ? Il faut croire puisque l'informatique devient elle-même intelligente !
La prochaine fois, peut-être des nouvelles du cinéma. Les preuves en images que ça n'est peut-être pas si simple. La parole, le regard, les rêves .
Ils ne nous auront pas. 


 



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