FRANCHISE DE PORC
"Devons-nous nous résigner à voir notre individualité réduite à celle des chats et des chiens castrés?"
Le bon sens , celui que n'exprime pas la majorité, puisqu'elle est silencieuse, serait le résultat de la domination d'une société qui ne veut voir qu'une tête. Les libertés individuelles, soumises à la loi de ceux qui veulent nous protéger, au nom du peuple, qui n'est paradoxalement pas la somme des individus qui le composent, sont soumises à conditions. C'est la nature de ces conditions que Marcela Iacub décortique dans sa chronique de Libé "à contresens".
Alibi
Et il y en a pour tout le monde. Elle tord le cou à la morale et aux moralistes, démonte les règles par une dialectique quasi scientifique sans concessions, bousculant le bien fondé de nos idées reçues, auxquelles nous nous accrochons comme à un alibi. Tous suspects potentiels ? Mais pas coupables, rassurez vous. Pas tant que la preuve sera établie.
Sauf si l'on attend de vous l'innocence, la pureté, l'abnégation que votre statut social vous confère. Prenons un exemple au hasard. Vous êtes patron du Fonds Monétaire International, homme politique brillant, et on vous pare d'une grande probité. Un sage en somme. Donc philosophe, de ceux qu'on aimerait consulter sous le chêne, pour guérir de ses écrouelles existentielles. Ou dont le buste ornerait volontiers le hall d'une quelconque, mais honorable, institution. L'avantage d'être un homme tronc, c'est qu'on ne voit pas ses couilles. L'inconvénient d'être une idole, on l'a déjà vu souvent, c'est qu'on peut l'arracher de son piédestal. Nous autres la foule, nous avons besoin de certitudes, de croire en l'Homme, de modèles vivants dont on pourrait s'inspirer, qui justifient nos sacrifices et notre obeissance. Juguler nos instincts primaires en nous montrant le chemin de la justice pour tous.
Agir au nom de la loi.
Mais la loi des hommes n'est pas celle de la nature. Celle qui ne se discute pas, qu'on subit ou qu'on respecte selon la philosophie ou le culte qu'on adopte. La recherche de la "vérité" est une affaire d'écoles. Et de profit souvent. Qu'il choisisse la science ou le mysticisme, l'Homme fait ce qu'il peut pour oublier sa terreur de la mort. "Philosopher c'est apprendre à mourir"( mais la prévention des maladies cardiovasculaires n'est pas faite pour les chiens). La médecine et ses médicaments (prochain sujet) font du tort à la philosophie qui pourtant reste le berceau de la raison.Et d'en déduire que tout a une solution, immédiate si possible. Et de traquer les déviants pour mieux affirmer la justification de la loi qui vous protège, au nom de la démocratie, qui paradoxalement pense pour vous. Son intrusion dans le privé, défi à l'imagination, au désir, est sujette à caution, douteuse dans ses motivations. Surtout quand elle se mêle de notre vie sexuelle, dont les limites devraient être celles que nous avons choisies.
Et autant K que MI peuvent laisser libre court à leurs choix, aussi audacieux et libertins qu'il leur plaît. Sauf à enfreindre la loi, aussi discutable qu'elle soit, aussi brutale et briseuse de destins qu'elle est. La recherche de la vérité que la justice poursuit, connait la plupart du temps des dérives qui s'apparentent au lynchage, à la lapidation jusqu'à ce que mort s'en suive. Une mort sociale, un piétinement acharné d'autant plus hargneux que le coupable est une personne de pouvoir. Les aristocrates à la lanterne, le peuple souverain est revanchard, prompt à dégainer la guillotine et se repaitre du scoop que ne sont pas prêts de lâcher les journalistes.Pour l'exemple et l'édification des masses paraît-il.
Infiltré
L'enquête sociologique de Marcela Iacub, cherchant toujours et encore la petite bête, semble avoir pédalé dans l'éthique, en se servant de ses charmes, pour atteindre et confondre le monstre fameux, qui apparemment bouge encore. Ceux qui publient son livre l'auraient abusée, lui faisant dire ce qu'elle n'a pas dit qu'elle faisait.Et son livre, qui sort aujourd'hui assorti d'un commentaire de DSK, risque fort de faire un tabac. Ce témoignage de l'intérieur, quel qu'il soit, est au fond le rêve de tous les journalistes ( dont la seule activité est de faire le pied de grue devant la porte de leur sujet en attendant qu'il se passe quelque chose ), la pierre philosophale qui change les conjectures en aveux sonnants et trébuchants. Seulement voilà, Marcela Iacub n'est pas journaliste, elle ne pourra donc pas argué d'avoir planqué des micros ou des caméras pour soutirer ces confidences. Quand Marie Drucker sur la 2 (Les Infiltrés) se sert de documents qu'un journaliste, embauché comme stagiaire dans un labo pharmaceutique, a réussi à réaliser, on obtient les confidences d''un stagiare à un autre stagiaire" comme preuves irréfutables, révélations de Polichinelle sur le commerce des médicaments. Et on ne parle pas de trahison, de coups bas ou de méthode inique. En revanche Marcela Iacub passera pour une salope, et vu les commentaires moyens de la presse alentour, prompte à déterrer les "antécédents" de l'auteure, elle risque bien de suivre la pente de celui qu'elle a piégé. Son engagement intime n'étant pas reconnu comme une source fiable et journalistiquement correcte, même si l'écrivain qu'elle est y a mêlé la fiction. Et la dérision.
Vous l'avez compris je suis lecteur de la chronique hebdomadaire de Marcela Iacub dans Libé depuis le début. Et je vais lire ce livre. On en reparlera.