DJANGO BIS
Nous autres les amateurs de séries B, on est toujours gâtés quand sort un film de Tarantino. Hommage, quintessence, nectar, trouvez la formule adaptée qui convient le mieux ! Le pistolero solitaire de Sergio Corbucci, Django, téléporté dans une période peu glorieuse de l'histoire américaine que l'inconscient collectif garde au chaud. On pioche un poil dans la blaxploitation et le heros est noir et donc esclave. Tarantino quoi .
D-J-A-N-G-O, le D est muet... pas ses flingues.
Django en 1966 avait les yeux bleus et parlait italien. Franco Nero( qui se retrouve au bar avec Jamie Foxx, dans une courte scène du film de Tarantino). Le film était interdit aux moins de 18 ans en salle, plutôt rare pour un western( même spaghetti). Réédition et sortie au cinéma cette semaine, histoire de surfer sur le succès (mérité) du film de Tarantino. Qui n'est pas un remake du film du même nom. La référence au genre de l'époque, c'est Leone, l'autre Sergio, qui réalise en 1965 Pour quelques dollars de plus, trois avant (1968) Il était une fois dans l'Ouest, où les canons du western spaghetti passent à la postérité. Corbucci qu'on porte aux nues ces derniers temps trimballe en fait pas mal de casseroles, et le succès de Django, tourné à l'arrache, ne doit pas faire oublier que ses "chefs-d'oeuvre" plafonnent à trois maxi. Les fans inconditionnels vont hurler, si je ne cite que le Grand Silence (Klaus Kinski et Jean Louis Trintignant) et Le mercenaire (Franco Nero, image suivante) dont la BO se retrouve dans Django Unchained.
Critique de cinéma, c'est pas un boulot facile, faut bien l'avouer. Les motivations de l'auteur, trouver du sens à tout prix, tâcher de ne pas copier coller wikipedia ou les Cahiers (mais là la barre est haute) et souvent faire comme si on avait vu le film dont on parle, autrement que sur le trailer de allociné ou les commentaires des voisins.
Autant en emporte Django
J'ai vu les films de Corbucci (tous, en VHS), et si vous voulez mon avis de cinéphage, il n'y a pas que du bon, et si j'étais Tarantino, j'aurais fait comme lui: j'ai un scénario dans la tête, des images et des ambiances, des gros moyens, et peu importe le genre, ça va péter des flammes. Quand on raconte une histoire, ici dans le Sud profond étatsunien 2 ans avant la guerre de Sécession, on se coltine forcément avec l'esclavage et les riches propriétés qu'on connait bien pour les avoir vues dans GWTW, le film de Victor Fleming de 1940, là ou pour la première fois une actrice noire obtint un oscar ( Hattie McDaniels). Bon je vais trop vite ? un indice ? bon d'accord, le dernier W c'est pour wind (vent si vous êtes pas bilingue). Où voulais-je en venir ? mon fantasme quand j'avais vu ce film, qui n'aborde pas l'esclavage de façon frontale, c'était un joli réglement de compte façon Django justement. Au fond la série B ça n'est que ce réglement de compte ultraviolent d'une frustration refoulée. Scarlett et Retth à la dynamite c'est pas tentant ? Autant en emporte Django.Une vengeance collective de la négation d'hommes et de femmes trafiqués comme de la viande, celle dont parle si bien le personnage campé par Dicaprio. Il y avait les chasseurs de SS, il y a aujourd'hui le pourfendeur de négriers. Et ça vaut bien toutes les démonstrations antiracistes.
Par l'absurde.
Le sentencieux Dr King Schultz (christoph Waltz), chasseur de primes de son état, dans une séquence ahurissante, parvient à convaincre le novice Django que ses hésitations à flinguer un meutrier devant son fils sont toute relatives si l'on tient compte que 1- c'est un vil tueur sans moralité et 2- qu'il va rapporter 7000 dollars. Une longue démonstration ponctuée par un coup de fusil rapide et sans commentaires. La méthode Tarantino, qui va servir chacune des scènes clé. La violence est la conclusion des palabres, disproportionnée, gore et éprouvante, mais libératrice. C'est la signature de la série B. Et Tarantino en connait un rayon.
je sors mon revolver
Comment fonctionne une série B ? l'argument de départ est souvent la perte d'un être cher(coéquipier, frère, femme et enfants...), une dette ou une injustice qu'il va falloir venger. La vengeance sera d'autant plus justifiée que l'acte initial, le traumatisme, est choquant. Ainsi tout est permis. Le héros, d'abord déprimé, va devenir peu à peu une machine à tuer. Mais a bien y réfléchir, c'est le moteur de beaucoup de films. La loi du Talion qu'un héros anonyme applique à la lettre. Un héros de l'inconscient qui exécute ce que chacun de nous refoule au fond de son cerveau. Cet effet cathartique n'est pas l'apanage de la série B, puisqu'il fait partie de l'art dramatique en général. La tragédie, écrit Racine, excitant la pitié et la terreur, purge et tempère ces sortes de passions, c'est-à-dire qu'en émouvant ces passions, elle leur ôte ce qu'elles ont d'excessif et de vicieux, et les ramène à un état modéré et conforme à la raison ». Qu'est-ce que tu en penses Django ? "quand j'entends le mot culture je sors mon revolver !". Dialectique de bac à sable, c'est probable, enrichie à la testosterone, on l'avait compris.
Principe de plaisir.
Si les protagonistes de la série B sont brut de décoffrage, limités souvent à un regard d'acier et à une gestuelle économique, ils sont dotés chez Tarantino d'une dose variable de stupidité, que ce soit les tueurs de Pulp Fiction, les malfrats de Jackie Brown(mention spéciale pour Robert de Niro), ou Brad Pitt, le chef des tueurs de nazis dans Inglorious Basterds. C'est ainsi qu'il y a des actes manqués, des imprévus, des échecs. Des morts accidentelles, des situations conflictuelles pour le héros qui choisit souvent à l'impulsion, le doigt sur la gâchette bien entendu.
Malmener l'Histoire, l'inconscient collectif et nos frustrations refoulées en misant tout sur le principe de plaisir, c'est la recette Tarantino. J'en reprendrais bien une tranche.
Alors dans le cercueil ?
une mitrailleuse, ça va de soi.