Les pérégrinations d'une main coupée. Incroyable.

Les pérégrinations d'une main coupée. Incroyable.

A mon corps défendant, à corps perdu, corps et âme, et encore et encore

Bref ceci est mon corps, servez vous . Livré en pâture à la vindicte populaire, le corps est devenu la seule part visible des individus que nous sommes. Allongés sur des lits médicalisés, floutés pour en préserver l'anonymat et ne pas vous faire gerber, voire dans dans des sacs en plastique. L'image du corps  est désormais classée X , ignominieuse, mais présente sur tous les écrans dès lors qu'on veut aborder la sanction qui vous pend au nez si vous n'obtempérez pas aux consignes de couvre-feu.

C'est donc en chair et en os qu'est réduit ce corps, une réalité que rabâche la science (le corps médical en lambeau) maladroitement dans les micros tendus par une  presse frénétique, évacuant de façon drastique les versants symbolique et imaginaire, ceux là-même qui t'offrent le reflet dans le miroir. Il y a longtemps que tu n'as pas mis les pieds chez le coiffeur ?

T'as de beaux yeux tu sais.

 

Voici le 1er tutoriel pour travailler le regard derrière ton masque

Un certain regard.

Il va falloir faire preuve d'expressivité oculaire, si l'on veut être compris par son prochain. Soigner ses tics, sa conjonctivite, et que dire du léger strabisme qui faisait votre charme jusque là, cette coquetterie qu'on prenait pour une invitation.

Avec un peu d'entrainement, il se peut que l'on parvienne a concentrer sur nos yeux musclés une partie de notre mimique habituelle, assez redondante il faut bien le dire. Apprenons le stoïcisme à la japonaise, à cligner des yeux au ralenti, à économiser notre orbiculaire, façon gros plan de western spaghetti

Le regard de Charles Bronson ...

Plein phares 

Je vous ai à l'oeil, et il me semble que vous avez le mauvais oeil.

Un diagnostic au premier coup d'oeil, en salle de réa, du toubib derrière son masque, constatant la mydriase de celui ou celle qui vient de disparaitre des écrans des moniteurs en rejoignant le compteur du soir à la télé. Deux regards qui ne se croiseront plus, si tant est que dans ces conditions le dialogue puisse avoir lieu. Un corps morcelé, réduit à des constantes, à la menace qu'il véhicule, aux facteurs de risque qu'il trimballe, c'est à la fois une grande frustration, mais aussi un moyen de garder son sang froid pour le soignant opiniâtre. Prendre de la hauteur, avec parfois le risque d'un atterrissage en catastrophe, c'est aussi un moyen de s'échapper du carcan des maîtres à penser, et leurs recommandations bien calibrées.

Mobile army surgical hospital  MASH 1971. Robert Altman.

Mobile army surgical hospital MASH 1971. Robert Altman.

Peur primale.

Comment va-t-on pouvoir reconnaitre les autres ? On sait pourtant désormais , depuis 2017, que 205 neurones localisés dans le cortex temporal inférieur sont dévolus à cette fonction . Étude chez le macaque, confronté à un algorythme, qui obtient des reconstitutions de visage bluffantes."C'est un travail impressionnant et une avancée importante. Cela étant, il ne faut pas occulter la contribution de la mémoire dans le processus, qui semble avoir une place importante, puisque notre cerveau reconnaît d'autant plus facilement et rapidement un visage que celui-ci est familier", explique Fadila Hadj-Bouziane (Inserm, CNRS, Centre de recherche en neurosciences de Lyon).

Serons-nous tous atteints de prosopagnosie ? La reconnaissance faciale dont les cameras de tous les pays sont équipées risquent bien de souffrir de ce trouble, dont on sait encore peu de choses. Les patients ne parvenant pas toujours à se reconnaitre eux-même dans le miroir, échafaudent (leur cerveau) des stratégies compensatrices, que nous allons bien finir par adopter face à la multitude masquée.

La peur des clowns, la coulrophobie, partagerait le même mécanisme. La peinture blanche sur le visage effacerait les traits réels du clown dont le visage ne serait pas reconnu par les phobiques, qui flipperaient aussi sec. 

La loi n°2010-1192 du  interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public,  ne concerne donc que le niquab, pas le kleenex avec des bretelles made in China ? Pas pour des motifs religieux, mais bien des preuves scientifiques de haut niveau, on a eu peur un moment.

Mais la peur n'évite pas le danger. Il y a toujours un tueur fou en liberté... pour nous terroriser.

 

 

 

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