Il y a 3 jours, le prix Landerneau des lecteurs 2016 a été attribué à KARINE TUIL pour l'INSOUCIANCE aux éditions Gallimard.

Nous étions 200 lecteurs, et le vote portait sur 4 livres:

Eclipses Japonaises d'Eric Faye, au Seuil

Continuer de Laurent Mauvignier aux éditions de minuit

L'Insouciance de Karine Tuil chez Gallimard

Le dernier des Nôtres d'Adelaïde de Clermont-Tonnerre chez Grasset

Prix Landerneau des lecteurs 2016

Mauvaises langues

On pourrait gloser des heures sur la pertinence du choix, le j'aime j'aime pas, définitivement la seule option possible.

Une seule case à cocher, sans commentaires, et la mécanique démocratique se met en route.

Paf, c'est Karine Tuil, ce qui me convient parfaitement puisque c'était sa case que j'avais coché, sans hésitations. Aucune.

Vous objecterez peut-être que les goûts et les couleurs, ça se commande pas, chacun les siens, ce qui en somme, met illico au chômage tous les critiques littéraires. D'autant qu'aujourd'hui on est tous critique littéraire, voyez avec quelle audace nombriliste j'ose donner mon avis.

Prenez par exemple, l'avis (le post ? le papier ? l'article ? ) de J.D. sur le site de l'Express du 26/08/16, titré L'insouciance: le roman indigent de Karine Tuil.

Express

La critique de J.D , on est bien sur le net, anonyme, pardon anonymous, c'est plus classe, est lisible sur l'Express. Alors allons sur l'Express. Il y a de la concurrence dans l'air à l'horizon encombré de la rentrée littéraire.

Prix Landerneau des lecteurs 2016

Adelaïde de Clermont-Tonnerre mes hommages.

directrice de rédaction de Point de Vue, vous savez bien , les têtes couronnées, Stéphane Bern, chroniqueuse par ci par là, chez Cyrill Hanouna, sur Europe 1 , les pieds dans le plat, "pigiste" à l'Express, et Ecrivaine. C'est là que je voulais en venir, c'est un des 4 romans de la sélection Landerneau, Le Dernier des Nôtres , chez Grasset quand même.

sauras-tu retrouver Adelaïde ?

sauras-tu retrouver Adelaïde ?

Elle est jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées la valeur n'attend point le nombre des années.

Je vous concède que je suis en train d'agiter devant vos yeux courroucés le spectre du darwinisme social. Faut-il considérer comme un handicap de naître à Neuilly, de pouvoir faire pâlir sa maitresse qui a fait la bêtise de demander "dessine ton arbre généalogique", de faire la une de certains journaux (l'Express ?) à la naissance de ses jumeaux ?

Si en plus vous êtes écrivaine, que Franz-Olivier Giesbert vous adoube, il faut croire qu'il y a une justice (immanente ?)

Bref, on peut imaginer qu'elle n'est pas seule au monde de l'édition. Et qu'un éventuel flop ne la mette sur la paille. Et J.D. dans tout cela ? Peut-être un admirateur secret qui tente de ternir la réputation de l'adversaire. Au fond, si je n'étais pas tombé par hasard sur l'article presque haineux de ce JD sur Karine Tuil, je n'aurais probablement même pas lu Le dernier des nôtres . J'aurais gagné du temps.

Mais le livre dites-vous ? Ah oui. Public visé : les femmes. Supposées, dans l'étude marketing de l'éditeur, plus enclines au romanesque. Dont acte. En deux tomes, dans la collection Harlequin, ça faisait un malheur.

Prix Landerneau des lecteurs 2016

Eclipses japonaises

Eric Faye aurait pu appeler son livre "Les fantômes de Pyongyang", quand on sait qu'une des spécialités de la Corée du Nord c'est l'enlèvement. Sans rapport avec une prise d'otages, il s'agit en fait d'utiliser le prisonnier comme une source d'informations, voire d'un enseignant potentiel pour alimenter l'espionnage.

Au début , les familles des personnes enlevées ont fait face à l'indifférence des autorités. La mobilisation a d'abord été menée par des associations, comme l'Association nationale pour le secours aux Japonais enlevés par la Corée du Nord (NARKN), qui dispose d'un petit bureau à Tokyo.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/portfolio/2012/12/04/les-fantomes-de-pyongyang_1799875_3216.html#yveCDkZD7rD8rAWL.99

Alors, comment ai-je fait pour vivre ?

J'ai simplement abandonné tout espoir.

J'ai eu des enfants et je me suis dit :

"Vis pour eux ! Renonce à ton rêve de rentrer au Japon "

Gong Ji-young

Citation en exergue du livre d'Eric Faye, qui a choisi de combler le vide et l'absence de ces exilés par un récit sidérant, mais vraisemblable, de "l'adaptation" à leur autre vie. Ils se marieront, auront des enfants. Jim, un américain, dira "on m'a tendu un beau piège, et ce piège, c'est Setsuko et les enfants, que je n'abandonnerais pour rien au monde". Setsuko est japonaise.

Faire avec, composer, "abandonner toute espérance", on avait déjà compris avec Primo Levi que l'Homme peut survivre dans les pires conditions.

"C'est une pièce de théâtre, cruelle et tragique. Le monde qui commence au delà des clôtures de ce pays n'a rien à voir avec ce que nous vivons"

Peux-t-on faire table rase de son passé, et envisager un avenir, quand on occupe la place du rat de laboratoire ?

Lisez donc le livre d'Eric Faye.

Prix Landerneau des lecteurs 2016

Le Kirghizistan, c'est où ?

En Asie Centrale, à l'Est de la Chine, au dessus de l'Afghanistan...

Istan , c'est un mot persan qui veut dire pays. Afghanistan , c'est donc le pays des Afghans, et Kirghizistan, celui des Kirghizes.

chevaux du Kirghizistan

chevaux du Kirghizistan

Pourquoi Sibylle décide-t-elle d'embarquer son ado de 16 ans dans un périple au Kirghizistan ?

A cheval, dans un pays pas très sur si l'on en croit les conseils des voyageurs.

Et bien je vous invite à lire un de mes prochains articles, où je vous propose d'aborder ce livre et celui de Andreï Makine, le futur académicien, L'Archipel d'une Autre vie, qui se déroule à l'extreme Est de l'Asie, au bord du fleuve Amour, dans les années 50.

Laurent Mauvinier vs Andreï Makine

Fin de l'insouciance ?

Beaucoup de douleurs, de souffrance, de destins malchanceux, de vies brisées, jalonnent ces récits .

Karine Tuil n'échappe pas au processus. Une histoire actuelle, dans les arcanes du pouvoir.

Les vicissitudes du pouvoir. Savoir composer, faire des compromis, s'adapter en somme. Mais sans y laisser sa peau, sans vendre son âme.

"C'est une expérience humaine - passer d'un lieu à un autre, pénétrer un nouvel espace, quitter la légèreté pour la douleur, la superficialité pour la profondeur, la vie pour une petite mort - , un apprentissage violent."

La guerre, la politique, les affaires, un monde connecté qui ne laisse rien passer, en particulier les intrigues d'alcôve, sont au centre de ce livre.

Du jour au lendemain, tout peut s'écrouler, dans la constellation du pouvoir, nombreuses sont les étoiles déjà mortes. C'est dans ce monde brutal, que les personnages de Karine Tuil vont finir par se croiser, se percuter parfois, s'aimer peut-être.

Une histoire passionnante, encrée dans notre monde, des personnages très fouillés, une écriture comme une urgence, le livre pèse lourd au bout des bras...

... La défection du bonheur n'est précédée d'aucune annonce. Une part d'eux-mêmes est définitivement perdue. Une forme de légèreté . Ce qui restait d'enfance. L'insouciance.

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