True Detective
Le tiércé gagnant dans toutes les fictions, qu'elles soient littéraires ou cinématographiques, est vieux comme les premiers pulp : crime, sexe et réalité.
On n'en sort pas. Cherchez bien, allez si vous voulez jusqu'à la mythologie grecque, les ressorts dramatiques se résument à peu de choses. Des ressorts qui se tendent d'autant plus que le monde est brutal et générateur d'angoisse. Pulsion de mort détournée dans l'agressivité ou réinvestie dans la libido, principe de plaisir qui calme le jeu en gardant un oeil sur le principe de réalité. Psychanalyse à deux balles, mais quand même. Les héros de True Détective, LA série, carburent à quelques uns de ces fameux principes, ce qui les rend si proches de nous.
Un couple mal assorti, c'est la règle. Le bon flic et le mauvais flic ? Question de point de vue, mais le canevas du scénario respecte bien les poncifs du genre. Gueules imperturbables, regards sur la ligne d'horizon, Rust et Marty portent merveilleusement le costard du flic à qui on ne la fait pas.
archétype de la série policière, sur un fond socio-culturel déglingué, pauvreté et illettrisme obligent, True Detective s'inscrit parmi les meilleurs récits du film noir.
Parmi les magazines policiers à sensation, True Detective fut surement le plus tenace. Des années 30 à la fin du XXè siècle, les femmes mortes et à poil ont fait baver les lecteurs de l'Amérique profonde, qui attendait avec impatience le numéro suivant.
Pulp
Dans les années 40, aux étas-Unis, tout est rationné, y compris le papier. Les magazines policiers sont contraints de réduire les images, les formats et la qualité du papier. Il s'en tiendront désormais au papier pulp, pour des raisons économiques. En même temps, la photo de couverture, plus réaliste, remplace les illustrations réalisées par de vrais artistes .
L'affaire du Dalhia Noir, en 1947, dont James Ellroy fera un livre et Brian de Palma un film, défraya la chronique en se révellant une mane pour la presse en général, et les magazines policiers en particulier.
On avait retrouvé le cadavre nu et mutilé d'une starlette hollywoodienne dans un appartement de Los Angeles. Un crime particulièrement glauque, mais d'une femme. Dont les images ont fait les choux gras d'une presse aux abois. Women in crime est le titre d'une des nouvelles revues apparues à cette époque, ne laissant aucun doute sur son contenu.
Les images de pin-up sont devenues nettement plus explicites, l'escalade dans le sordide n'ayant apparemment plus de limites.
Women in crime
C'est bien le corps d'une femme, nue, que nos flics de service, découvrent au début de la série.
Classique, routinier, mais dans le cadre. On a le couple mal assorti de flics, la victime à poil, et le paysage glauque à souhait de la Louisiane. Une enquète dans un monde où il n'y a pas d'innocents, mais des suspects, comme peut l'être chacun de nous pris dans sa vie quotidienne sur le vif de l'instant présent. C'est gris, c'est plein de poussière, une terre hostile peuplée de gens qui semblent vivre selon leur prorpe loi, excéptée celle du Seigneur, omniprésente, pour le meilleur et pour le pire.
La place des femmes respecte donc les code du genre. Elle est le pilier de la famille, incarnant les valeurs d'une Amérique puritaine, mais elle peut être une garce provocante qui se sert du sexe comme d'une arme, pour finir parfois en victime et être en couverture des magazines racolleurs.
Et pourtant les auteurs ne sont pas de vieux de la vieille. Nic Pizzolatto, le scénariste, débute sa carrière. Cary Joji Fukunaga, le réalisateur, n'a que quelques films à son actif. Des trentenaires forcément très demandés aujourd'hui ( La saison 2 de True Detective est en cours)
des vrais mecs
Les deux personnages sont a priori aux antipodes, se font la gueule, se font la guerre, ne partagent pas le même passé. Rust (McConaughey) vit avec ses fantomes et une culpabilité obsédante, qu'il sublime en une redoutable efficacité dans ses enquètes, tandis que Marty joue les bourins beauf jusqu'à la moelle.
Toute la dynamique d'une bonne série consiste à faire évoluer nos sentiments. Car ici, comme dans d'autres séries, c'est bien les personnages qui nous intéressent. On peut gloser sur la faiblesse du scénario, mais le couple réalisateur- scénariste a tenu les 8 épisodes. 8X59 minutes, qu'on peut voir comme un film si on a la chance d'avoir le DVD et un écran géant.
C'est lent, le personnage de Matthew McConaughey est un intello, qui cite Nietsche dans le texte, mais qui cogne quand il faut. Woody Harrelson campe parfaitement l'américain à la machoire carrée et à la moue perpétuelle, brut de décoffrage, mais pas si con qu'il en a l'air.
Beaucoup plus charismatiques que les héros de Breaking Bad (Bryan Cranston et Aaron Paul), les flics de True Detective ont aussi affaire à l'adversité. C'est le seul lien entre les deux séries, avec l'ésthétique et la transgression, car ici la justice finit par ête rendue.
Et franchement marre des elfes, des trolls, des nains , des royaumes ...