Denis Lavant dans Capitaine Achab de Philippe Ramos. 2007

Denis Lavant dans Capitaine Achab de Philippe Ramos. 2007

Augmenté comment ? et de combien ?
Moi qui croyais qu'il suffisait d'une petite courageuse...
Ne nous égarons pas. Tout le monde connait déjà les artifices qui permettent de continuer à marcher, respirer, dormir, et au coeur de battre. La jambe de bois du capitaine Achab ne lui permet-elle pas de retourner affronter Moby Dick ? Il est avant l'heure un homme augmenté.
Vous avez compris le concept. Et du concept au fantasme de l'Homme bionique, immortel- osons-, aux pièces interchangeables, il n'y a qu'un pas, mais faites gaffe, il y a une marche. Et de taille, car la réalité n'est pas la fiction.
La fiction nous est contée par les marchands d'ordinateurs, de celui avec lequel je vous écris par exemple, prenant les allures d'une prophétie, construite sur des extrapolations audacieuses, mais séduisantes (avenir radieux).
Quand Thomas More, l'anglais, écrit son Utopie en 1516, il est loin de penser que 5 siècles plus tard, son île imaginaire où règne le bonheur social va être remplacée par ce qu'on nomme désormais la singularité, l'avénement de l'âge d'or où l'homme et la machine ne feront qu'un sur fond d'intelligence artificielle.
Prévue pour 2049, cette affaire est la tête de gondole des Transhumanistes : La singularité. Penchons-nous sur ceux qui mènent la barque. Toi le geek qui lit ces lignes, tu peux ranger tes affaires, il est encore temps de sortir.

Feu à volonté sur l'intelligence artificielle

intelligence artificielle.
Un vrai délice pour le mauvais esprit qui vous écrit ces quelques mots. Associer intelligence avec artificiel, c'est déjà complètement paradoxal, c'est un doux rêve, mais quand on prend le temps de vérifier à quoi ça correspond, et surtout qui sont les maîtres à penser de cette discipline, c'est encore plus marrant. On va en prendre deux au hasard, enfin pas tout à fait, je vous les montre et on en parle après.
Ray Kurzweil et Aubrey de Grey
Ray Kurzweil et Aubrey de Grey

Ray Kurzweil et Aubrey de Grey

A gauche, Raymond Kurzweil, l'ingénieur en chef de Google. A droite Aubrey de Grey, dont l'allure de vieux sage et le discours "scientifique" ne permettent pas la controverse. Si vous vérifier sur Google, vous pouvez constater que la contradiction est quasi inexistante, ou alors très bien planquée.
Le transhumanisme ne date pas d'aujourd'hui, et si l'on en croit les historiens ce courant de pensée connait un succès grandissant. Changer l'Homme, gommer ses défauts, différer la mort, pourrait être le résultat d'une réflexion philosophique, d'une prise de conscience à l'échelle mondiale, pour tenter par exemple de faire disparaitre les conflits. Les transhumanistes, dont le mouvement possède un symbole, H+, font le pari que l'avancée fulgurante des biotechnologies et de l'étude du comportement conduisent inévitablement à cette fameuse singularité technologique où une nouvelle ère advient, peuplée d'hommes parfaits. En fait, la réflexion est conduite par des "scientifiques" sur la simple progression asymptotique des progrès technologiques. On se pose les questions après. A la rigueur on met en place des règles de base, des interdits, une éthique, mais l'idée générale c'est de trouver les moyens de parvenir à cette fin. L'Annonciation en somme, mais calculée par des informaticiens qui s'imaginent tout-puissants, et qui sont surtout pétés de tunes.

Hal 9000 versus Dave.

Faites-nous confiance...
Les deux chantres de cette neophilosophie, avancent masqués sous les traits de la science. Les faits sont là, c'est indiscutable, c'est prouvé, et les fans innombrables. Le prêt à penser servi par Google, vous évite de le faire. mais paradoxalement pour penser on se sert des infos fournies par Google. On ne sera surement pas immortel en 2045, mais on ne pourra plus rien faire sans les outils séduisants qu'on nous vend pour nous connecter de plus en plus.
Comment peut-on imaginer que l'entreprise la plus puissante du monde pense un seul instant à notre bonheur ? De la part des plus grandes fortunes mondiales, c'est assez suspect.
Les transhumanistes surfent sur la vague de la science fiction, et sur un public élevé dans ces valeurs. Que verrez-vous dans vos Google glasses, qu'y aura-t-il dans la boite à gants de votre google car ? Si vous n'avez pas d'idées, Google est toujours là pour vous en proposer, pardon pour vous en vendre.
Mais la science fiction est souvent faite d'avenirs qui déchantent.

Hal 9000, l'ordinateur rancunier.

Les auteurs de science fiction ont fait les belles heures du cinéma. Les questions posées sont les mêmes que celles des transhumanistes. Les réponses pas vraiment.
Prenez Philip K. Dick par exemple. Son chef d'oeuvre c'est Ubik, probablement le prochain scénario d'un film a gros sous.
Do androids dream of electric sheep ? C'est le titre original du livre dont Ridley Scott fait Blade Runner en 1982. Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? Dans ce film, les repliquants( organismes humains génétiquement modifiés) deviennent forcément des sociopathes, et les Blade Runner sont chargés de les éliminer.
"Vous est-il arrivé d'éliminer un humain par erreur ? " demande la belle jeune femme (Rachel, jouée par Sean Young) dont l'enquêteur Rick Deckard, interprété par Harrison Ford qui sortait juste de Star Wars, est tombé amoureux. Une répliquante a qui on a ajouté des souvenirs, qui ignore elle-même qu'elle est humanoïde.
C'est le fond du livre de K.Dick, moins celui du film, qu'est-ce qui fait l'Humain ? Le fantasme d'aujourd'hui sur le robot parfait, capable de penser, d'avoir des sentiments, etc. comme si ce n'était qu'une question de circuits et de mémoire. Le mot mémoire signifiant ici le dispositif technique de traitement de l'information, pas le ressenti personnel du vécu de chacun susceptible de perturber certaines de nos actions.
Dans Interstellar, le film de Christopher Nolan, il est même possible de régler avec un curseur la dose d'humour dont les robots sont capables...
première traduction française du livre de Philip K Dick

première traduction française du livre de Philip K Dick

Prendre ses désirs pour des réalités, l'anthropomorphisme fait le reste. Un robot ça ressemble à un humain, droit dans ses bottes, avec un cerveau, la tête et les jambes, et comme le disait si bien le scientifique (un vrai celui-là) Henri Laborit, un cerveau ça ne sert pas à penser, ça sert à agir ! Donc tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, il n'y a plus qu'à attendre une petite trentaine d'années pour qu'advienne le Graal des informaticiens, la Singularité technologique, avec une liturgie connectée et des temples où l'on pourrait se prosterner devant les nouvelles idoles St Algotythme, Ste carte mère, et finir par canoniser Moore, Gordon Earle Moore, fondateur d'Intel et auteur d'une loi, genre loi de physique. Je cite et ça sera une manière de conclure: Les transistors placés dans les circuits intégrés en silicium (mis au point par un autre !) doublent tous les deux ans depuis la création de l'entreprise Intel en 1969, jusqu'à atteindre la taille d'un atome en 2015. Cette progression ne s'est jamais interrompue, surtout pour des raisons de chiffre d'affaire, rien à voir avec la science.
Mais vous comprenez bien que cette histoire a des allures de miracle.
Quand j'aurai un moment je vous parlerai de la chambre chinoise. C'est une expérience simple d'un monsieur qui s'appelle Searle, sur l'intelligence artificielle.
Planète Interdite. 1954 . Anthony Wilcox

Planète Interdite. 1954 . Anthony Wilcox

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