"Moi mon colon celle que je préfère

c'est la guerre de 14-18."

Georges Brassens

celle justement dont c'est le centenaire cette année.

rassurez-vous, je ne vais pas me lancer dans un cours d'histoire, les quelques livres sortis en 2013 pour les paroles et des classiques du cinéma pour les images devraient suffire à nous rappeler dans quel merdier se sont trouvés des millions d'hommes il y a moins de quatre générations.

On va voir que les récits choisis s'articulent autour d'un point commun. La quête de l'identité dans ces moments extraordinaires, traumatisants pour le plus grand nombre, opportunité pour quelques uns. Appelez ça comme vous voulez, résilience, miracle, hasard, mais c'est bien le creuset dans lequel bon nombre d'écrivains ou cinéastes puisent leur inspiration quand ils ne l'ont pas vécu eux-mêmes.

Stanley Kubrick bien sur .

"La nuit, dont on avait eu si peur dans les premiers temps, en devenait par comparaison assez douce. Nous finissions par l'attendre, la désirer la nuit. On nous tirait dessus moins facilement la nuit que le jour.Et il n'y avait plus que cette différence qui comptait. C'est difficile d'arriver à l'essentiel, même en ce qui concerne la guerre, la fantaisie résiste longtemps...

On dénichait dans la nuit ça et là des quarts d'heure qui ressemblaient assez à l'adorable temps de paix, à ces temps devenus incroyables, où tout était bénin, où rien au fond ne tirait à conséquence, où s'accomplissaient tant d'autres choses, toutes devenues extraordinairement, merveilleusement agréables. Un velours vivant , ce temps de paix..."

Un extrait du chef d'oeuvre de Louis Ferdinand Celine Voyage au bout de la nuit. Histoire de mettre la barre assez haut. Mais je pourrais citer Roland Dorgelès, Les croix de Bois , bref il y a du beau linge sur les rangs, le plus récent, à mon avis c'est Tardi, la BD, Putain de Guerre ( Jacques Tardi et Jean Pierre Verney. Castermann ). Tardi qui a déjà illustré Voyage au bout de la nuit.

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Et les nominés sont...

A tout Goncourt tout honneur. Pierre Lemaitre pour :

AU REVOIR LA HAUT. Pierre Lemaitre. Albin Michel

Edouard et Albert. Une histoire de tête de cheval, de gueule cassée, de lutte des classes, d'une foire d'empoigne entre oppresseurs et opprimés, de fierté nationale et de chacun pour soi.
Le 2 novembre 1818, à 9 jours de l'Armistice, l'incroyable sauvetage d'Albert , enterré dans un trou d'obus, par Edouard qui y perd son visage, et plus tard son identité. Une amitié qui lie Albert, le gars du peuple qui n'a pas d'avenir et un passé minable, à Edouard, gosse de riche en rupture, désormais gueule cassée que l'incommensurable douleur jette dans les griffes de la morphine. Douleur gargouillante sans paroles pour laquelle Albert va trouver des solutions à risques.
L'art et l'arnaque dans une période où tout est possible. La fin de la guerre, plus d'1 million et demi de morts, autant d'infirmes, et la reconstruction qui ne vient pas, créent un monde de laissés pour compte, mais aussi d'affairistes prêts à se saisir des occasions que la paralysie de l'après guerre a causé.
Souvenez-vous que cette guerre affiche des scores remarquables.
- environ 9 millions de mort en Europe, sans compter les chinois, les sénégalais, qui se sont tapés les sales boulots. Rien qu'en France c'est 10% de la population active masculine qui a disparu, le pays est dévasté, et tout est à reconstruire. On manque de bras, et les blessés sont aussi nombreux que les morts.
- La grippe espagnole a débarqué en France avec le corps expéditionnaire américain en avril 1918. La fameuse grippe A (H1N1) arrive par Brest et va décimer les militaires et la population sans flingues et sans canons, plus de 2 millions de morts en Europe !
- Les blessés, unijambistes dans le meilleur des cas, culs de jatte, amputés en tout genre et les" gueules cassées" aux visages dévastés comme Edouard l'artiste qui a choisi la voie du déguisement. La confection des masques devient une activité obsessionnelle pour cet artiste qui va utiliser ses dons pour l'arnaque du siècle.
Eric Caravaca dans La Chambre des Officiers. Dupeyron 2002

Eric Caravaca dans La Chambre des Officiers. Dupeyron 2002

Au revoir là haut est une histoire captivante, un roman. Fiction qui prend place dans l'Histoire, animée d'un terrible cynisme, mais probablement bien en dessous de la réalité.
"Pour le commerce, la guerre présente beaucoup d'avantages, même après".
Edouard et Albert, couple improbable, seront les rois de la parodie du commerce.

MAUVAIS GENRE. BD. Chloé Cruchaudet. Delcourt/Mirages

Paul et Louise s'aiment et se marient et puis la guerre . Paul part et sur le front survient le drame. très très proche de ce qui est arrivé à Edouard et Albert. Un trou d'obus, Paul est au fond et le trouffion Marcel se fait arracher la tête en voulant l'aider . Hospitalisé (comme Edouard), Paul conçoit son projet de désertion.
Le déserteur va se cacher. se déguiser, se travestir. Il devient Suzanne. Petits boulots, Paul-Suzanne- et Louise en bavent, le stratagème ayant des effets imprévus.
Suzy fréquente le Bois (de Boulogne) et est devenue alcoolique. Le coming out de Paul en Suzy a bien eu lieu. Le mâle est fait, l'amour se défait, saloperie de guerre qui culbute le destin de Paul et Louise.
Une histoire vraie, racontée par Fabrice Virgili et Danièle Voldmann dans la garçonne et l'assassin.
Une bande dessinée de 160 pages somptueuses, quasiment noires et blanches, parsemées ça et là de robes rouges, on dirait du cinéma.
Récompensée par le prix Landerneau BD, par Michel Edouard Leclerc, en octobre 2013, Chloé Cruchaudet, dont ce n'est pas le premier bouquin, nous livre là une oeuvre originale et audacieuse.
La DER des DER

As-tu jamais rêvé que tu volais ? Austin Ratner. Calmann-Lévy

L'après guerre toujours, mais 10 ans. 1928, en Autriche, se joue le destin de Philippe Halsman. Plus précisément, l'entre deux guerres, ce qui dans cette histoire prend tout son sens. Le nazisme fait son chemin, la chasse au Juif est déjà dans les esprits. Hitler fera son entrée triomphale à Vienne en 1938. Philippe est né 22 ans plus tôt à Riga, la capitale de la Lettonie. Il est Juif.
Au cours d'une excursion au Tyrol, il est accusé de la mort de son père, qu'il précédait sur le chemin. Emprisonné, le procès qui va suivre est un événement à l'échelon européen. A tel point que certains témoins sont des personnalités célèbres de l'époque, Albert Einstein, Thomas Mann, jusqu'à Sigmund Freud et son complexe d'Oedipe "qui ne saurait permettre de conclure à la paternité du crime".
2 ans d'enfermement, tenir coûte que coûte, l'idée du suicide, la perte de son identité, marquent le début de ses obsessions. Il est gracié en 1930 par le chancelier autrichien, sous l'influence de Paul Painlevé, celui de la ligne Maginot. Tuberculose, dépression, exil en France où sa passion pour la photographie va mettre sur sa route Gide, les Surréalistes, avant de devenir le photographe célèbre des gens célèbres (Einstein, Marylin Monroe...)qu'il fera "voler". Le titre original est "The Jump Artist".
Austin Ratner, américain, dont c'est le premier roman, nous embarque dans la culpabilité de Philippe Halsman, ses fantasmes, ses terreurs, une biographie intime plus axée sur l'inconscient que sur les faits réels.
Philippe Halsman est un des plus grands photographes connus.
La DER des DER
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